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#10. Aimer sans raison ni pourquoi

Dernière mise à jour : 31 oct. 2024


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Script du podcast " Aimer sans raison ni pourquoi "


podcast philosophie aimer sans raison ni pourquoi

Bonjour et bienvenue pour ce podcast de philosophie pratique. L’objectif est de vous présenter des idées clés sur divers sujets, à partir de ce qu’on écrit nombre d’auteurs, et aussi en référence à certaines paroles de chansons qui parfois nous en disent bien plus que de longs discours. J’espère ainsi que vous y trouverez matière à penser pour votre développement personnel. Je vous propose dans cet épisode une réflexion sur l’amour. Pourquoi aimons-nous ? Cette interrogation est fondamentale car il y est question de ce qui détermine le plus notre existence, c’est-à-dire l’amour. En effet, l’amour à la fois nous caractérise et nous conditionne. Ma personnalité se construit autour de ce que j’aime et la façon d’aimer. Par exemple, celui qui par-dessus-tout aime son argent et fait tout pour ne pas le dépenser se distingue des autres par son avarice. L’avare est ce qu’il est en fonction de ce qu’il aime, non pas l’argent en général mais son argent, et entreprend ainsi de le protéger coûte que coûte. Celui-ci est au monde selon l’amour qu’il porte pour un objet en particulier. Il en est ainsi de l’avare comme de chacun. Ce que nous aimons nous anime. Ainsi, est-il tentant de chercher à comprendre ce qui nous pousse à aimer une personne, une chose, ou une idée en particulier. Une fois éclairé, peut-être serions-nous en mesure de mieux contrôler notre existence. Je dis bien peut-être car la raison est toutefois limitée. Raisonner consiste à prendre de la distance avec l’objet étudié, à se positionner en observateur pour gagner en objectivité. Si ce n’est que la raison ne peut se détacher totalement de ce qui nous émeut le plus. Nous réfléchissons aussi avec nos émotions, et non séparément et différemment d’elles. Dès lors, gardons-nous bien de toute conclusion ferme et définitive à propos de qui l’on aime ou de ce qui nous passionne. Cette précaution prise, rien ne nous empêche pas de réfléchir autour de l’amour, ce que je vous propose dans ce podcast en se référant à Spinoza, et aussi à Georges Brassens.

 

Est-il possible d’aimer sans raison, sans cause particulière ? On peut répondre par l’affirmative, en admettant même que l’amour n’est que cela, un élan et un sentiment sans condition, et que le reste n’est qu’une suite d’arrangements intéressés. En étant aussi affirmatif, il n’est guère pensable de maîtriser l’amour puisque manifestement il nous tomberait dessus, sans s’annoncer, ni même prévenir. Nous serions finalement amoureux par défaut. Nous réagirions plus que nous n’agirions lorsque l’amour se mêle de nos affaires. Dès lors, c’est peut-être sur notre façon de réagir à l’amour qu’il est possible de réfléchir, moins sur sa cause. Pourquoi j’aime la lecture, je n’en sais rien. En revanche, j’ai conscience de la manière dont je suis passionné par les livres. Je me souviens des lectures qui m’ont bouleversées de celles restées sans suite. Cette distinction, ce n’est pas la raison qui m’autorise à la faire, mais la joie que je ressens au contact de ce qui me plaît. Rien n’est moins sûr que les raisonnements expliquant l’amour. En revanche, la joie que j’éprouve avec l’amour est incontestable. Peut-être même pourrions-nous dire que l’amour et la joie sont une seule et même réalité, comme le suppose Spinoza, je le cite : « L’amour est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure. » Le rapport entre l’amour et la joie est d’ailleurs fondamental pour Spinoza car ce rapport est déterminant pour notre puissance vitale. C’est en aimant que je me sens vivre un peu plus, que mon existence s’intensifie, et ceci me met en joie. A l’inverse, en n’aimant plus, ou très peu, ma puissance de vivre s’étiole, je me sens comme réduit dans mon être. Dès lors, la joie laisse place à la tristesse.

 

Est-ce à dire que l’amour provoque la joie, ou bien qu’il faille être en joie pour être amoureux ? L’amour précède-t-il la joie, ou alors en est-il le produit ? Il faut certainement être disposé à aimer, et ainsi la joie est motrice. Toutefois, la joie est plus spontanée que durable. Personne ne peut prétendre être joyeux tout le temps et en toute occasion. Il faut ainsi plus que de la joie pour entretenir l’amour. Elle est certes nécessaire pour aimer mais pas suffisante. Que faut-il donc de plus donc pour être amoureux d’une personne ou pour se passionner pour une chose ? Spinoza nous donne une réponse. Il s’agit de l’idée d’une cause extérieure dont la représentation nous met en joie, et ainsi nous voilà aimant durablement. Penser à une personne en particulier ou à une chose précise serait de nature à provoquer de la joie et augmenterait notre puissance vitale, cette croissance prenant la forme de l’amour. L’amour serait ainsi le résultat d’une cause extérieure qui n’a rien d’objectif puisque celle-ci serait le produit d’une idée. Autrement dit, nous aimons moins une personne ou une chose d’après ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle représente pour nous. Spinoza introduit donc une distance entre la personne ou la chose aimée et nous-même. Cette distance, nous en sommes chacun seul responsable puisqu’elle résulte d’une idée, la nôtre, que l’on se fait d’une personne précise ou d’une chose en particulier. Avec Spinoza, on admet donc qu’il n’y ait pas d’amour sans représentation personnelle de qui l’on aime ou de ce qui nous passionne. C’est aussi cette représentation qui est la source de nos émois amoureux, tant heureux que malheureux. Nous pourrions dire sans peine, en paraphrasant Spinoza, que l’amour est également la tristesse qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure. On peut par exemple aimer follement une personne qui elle est totalement indifférente à notre égard. Peut-on d’ailleurs aller jusqu’à dire qu’il n’y a pas d’amour heureux, comme le chantait Brassens, en reprenant quelques vers d’Aragon, comme dans cet extrait, je cite : « Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure ; Je te porte dans moi comme un oiseau blessé ».

 

Finalement, penser ce qui est à l’origine de nos émotions les plus fortes ne serait-ce pas là une façon d’entamer notre amour ? N’est-il pas préférable de mieux aimer que de chercher à expliquer ce qui en définitive n’a rien de raisonnable ? Je conseille ainsi de s’intéresser à notre manière d’aimer plutôt que de chercher à comprendre pourquoi on aime. Aimer donc sans raison ni pourquoi, tout en sachant grâce à Spinoza que l’amour est fonction de la façon dont nous nous représentons l’être aimé ou la chose qui nous passionne.

Je vous remercie de votre attention. J’espère vous avoir apporté matière à penser. N’hésitez pas à me laisser un commentaire à la suite de ce podcast. J’aurais plaisir à vous répondre, et peut-être poursuivrons-nous ensemble la réflexion.

 
 
 

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