#6. Développer son intuition avec la beauté
- Jean-François Caron
- 29 juin 2024
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 oct. 2024
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Script du podcast " Développer son intuition avec la beauté "

Bonjour et bienvenue et dans ce podcast intitulé Développer son intuition avec la beauté. Comment développer son intuition ? Cette question a son importance car l’intuition est un moyen de connaissance du réel en plus de la raison et des sens. En développant mon intuition, je suis en mesure de comprendre mieux ce qui m’entoure sans y mettre des mots et sans ressentir de sensation, mais pour autant en ayant à un accès immédiat au monde. C’est là une grande force en recevant le réel à son état brut, sans influence extérieure ni interprétation. C’est également un mystère que de comprendre ce qui en soi échappe au concept et à la déduction. L’intuition est ainsi une faculté permettant de saisir ce qui existe sans raison, ni jugement. C’est pourquoi elle n'est pas spontanée. Nous sommes sans cesse assaillis par nos habitudes, nos façons de procéder, nos opinions, nos représentations. Nous sommes aussi au sein d’un monde qui nous presse, avec la morale. Il y a ainsi toujours comme un écart entre le réel et nous-même, comme si le monde ne nous était jamais totalement accessible. Cet écart est également le terreau de nos illusions. Nous allons jusqu’à doubler le réel, comme l’explique le philosophe français Clément Rosset, afin de construire une réalité à notre convenance. Ce procédé, bien souvent inconscient, rassure puisque l’inconnu effraie. Nous pouvons très bien nous satisfaire de nos certitudes et de nos représentations pour finalement se protéger de ce que l’on ne connaît pas. Pourtant, existe en nous comme une force nous poussant à franchir le seuil de la porte. Cette force très souvent est comme endormie. Et puis tout à coup, elle se réveille et avec elle nous voici plus éveillé. Le monde apparaît différemment sans savoir, sans raison, sans passion. Cette force, la beauté la cultive, et l’intuition en récolte les fruits. Que c’est beau s’exclame-t-on, sans démonstration, sans preuve, sans même comprendre pourquoi on est aussi affirmatif. Mais on sent que l’on en sait un peu plus. Je vous propose dans ce podcast de réfléchir en quoi la beauté est de nature à développer notre intuition.
Chacun dans son existence n’est jamais totalement tranquille. L’ataraxie chère à Épicure, soit la paix de l’âme, apparaît comme un vœu pieux. Nous sommes comme traversés, pour ne pas dire transpercés, par des conflits internes. Conflit entre ce que je voudrais être et qui j’estime être réellement. Conflit également entre ce que je veux, ce que je peux et ce qu’il m’est permis de faire. Conflit toujours entre ce que je pense être vrai et ce qui ne l’est pas. Conflit enfin entre ce qui me plaît et ce qui me répugne. Comment dès lors être en harmonie avec soi-même et ainsi être disponible au monde, ce qu’exige l’intuition, alors que sans cesse de toute part je suis tiraillé ? Comment faire silence en soi pour être prêt à écouter la nature même si celle-ci n’a rien à nous dire ? La beauté je pense est en mesure de faire taire les conflits internes. Il n’y a rien de morale et de raisonnable lorsqu’un titre des Doors m’ébranle ou quand un paysage me transporte. Le plaisir que l’on ressent au contact de ce qui est beau n’est ni intéressé, ni compréhensible. Il n’en produit pas moins un effet esthétique qui est comme une résonnance en nous d’une partie du monde dont nous n’avions nullement connaissance. C’est beau parce que c’est vrai, ou pour le dire autrement, à la manière de Hegel, le beau est comme l’éclat du vrai. Cette correspondance entre beauté et vérité lève tout chaos intérieur pour laisser place à une forme d’harmonie. Nous sommes dès lors tout entier prêt, corps et esprit confondus devant ce qui est beau, à être intuitif.
La beauté est également renversante car à partir d’un élément particulier, elle permet d’accéder à ce qui est universel, alors que notre faculté de jugement procède en sens inverse. En effet, pour juger d’une situation, nous nous basons sur des principes ou des valeurs. Ce sont là des généralités que l’on plaque sur des choses en particulier. Nous nous représentons ainsi le réel pour en définitive construire une réalité, la nôtre, qui n’a rien d’universel et que pourtant nous revendiquons volontiers comme tel. Il y a pourtant de quoi s’interroger sur la solidité de cette construction, ceci pour plusieurs raisons. Premièrement, les principes et les valeurs nous servant de fondation pour penser le réel et en faire une réalité n’ont peut-être rien de stable. Ce qui est vrai aujourd’hui peut très bien ne plus l’être demain car tout évolue, qu’il s’agisse du monde physique, d’autrui ou tout simplement de soi-même. Ensuite, il est tentant de ne retenir du réel que ce qui confirme ce que j’en pense a priori. Cette tendance est d’ailleurs reconnue comme un biais cognitif. Il s’agit là d’un un procédé mental qui nous concerne tous et consiste à simplifier la représentation que nous nous faisons du réel, ceci afin de pouvoir décider ou agir rapidement. Autrement dit, l’efficacité prime ici sur la vérité, les automatismes l’emportant sur la réflexion. Enfin, il est tout fait possible d’emprunter à d’autres des principes et des valeurs qui ne nous correspondent pas, pour soigner quelques apparences sociales, par mimétisme aussi, ou encore par paresse intellectuelle. Disons-le franchement, il est bien plus confortable d’acquiescer à ce que pense le plus grand nombre, la majorité en l’occurrence, que de s’en distinguer.
En résumé, notre capacité de jugement est déterminée par des principes et des valeurs qui n’ont rien de définitif, qui produisent plus d’automatismes intellectuels que des éléments de réflexion, ou encore auxquels on s’accorde volontiers non par conviction mais par conformisme. Autant de raisons ainsi que de se tromper. Avec la beauté, rien de tel. Ce qui est beau l’est sans a priori, sans calcul, sans pression. Devant la beauté, il n’est pas question de juger mais de recevoir le réel sans filtre, comme c’est le cas à propos de l’intuition.
La beauté n’a donc rien à voir avec le jugement. On ne discute pas de ce qui est beau comme on le fait à propos des goûts et des couleurs. Ou alors s’agit-il de détourner la beauté par intérêt ou par snobisme. S’il faut voir dans la beauté comme une affirmation, celle-ci n’est pas dirigée vers les autres, ou contre eux, mais plutôt vers soi-même. On n’a besoin de personne pour spontanément sentir que la rose est belle, ni d’aucune explication. « La rose est sans pourquoi » nous dit le poète allemand Silesi du XVIIème siècle. Elle est également belle sans raison. Toutefois, il n’existe pas de beauté en soi. On ne peut pas dire d’une chose qu’elle est belle sans être en relation avec celle-ci. La beauté est affaire de contact et d’accord entre le monde et soi-même. Rien de mieux alors pour développer la confiance en soi que de se sentir en parfait accord avec le monde en le trouvant beau. Et rien de mieux pour développer l’intuition que d’avoir confiance en soi. Pour être intuitif, il faut apprendre à s’écouter pour que le monde résonne en nous, et la beauté facilite cet apprentissage.
Je vous remercie de votre attention. J’espère vous avoir apporté matière à penser. N’hésitez pas à me laisser un commentaire à la suite de ce podcast. J’aurais plaisir à vous répondre, et peut-être poursuivrons-nous ensemble la réflexion.
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